lundi 29 juin 2020

First Love : Episode 1



En 15 ans, La bussy et La Roche sur Bussy avaient bien changé. Les quartiers résidentiels s’étaient fondus dans la masse des nouveaux immeubles implantés par les promoteurs. Un collège-lycée avait fait son apparition en plus de l’école, et un centre multi sportif aussi.  Volley-ball, football, handball, basket-ball, base-ball, natation, boxe, équitation, escalade, tennis, badminton, il n’y avait rien à dire. Celui qui voulait faire du sport à La Bussy avait l’embarras du choix. Les horaires des élèves avaient été aménagés, et un vaste réseau de bus permettait de parcourir la ville en quelques minutes. La Bussy était une ville très demandée par les familles. Notamment les familles aisées, qui y trouvaient une qualité de vie rarement égalée ailleurs. 



Avec les Roy, les Jansac et les Roux, les Franc avaient été une des premières familles à s’y installer. Vanessa y était née, y avait grandi, et avait vécu dans un tout petit village autour de l’église. Et maintenant, ses trois filles y étaient également nées, mais elles avaient connu une ville, qui devenait de plus en plus grande. La transformation de La Bussy rendait triste Vanessa, mais à chaque fois qu’elle lançait le sujet, une vive discussion démarrait. Juliette, la cadette, était la plus têtue.
-        - Maman adorait La Bussy d’autrefois. Mais maintenant, c’est bien mieux, disait-elle à Axelle, son aînée.
Laquelle répondait aussi sec.
-       -  Je me demande bien comment elle a fait pour trouver un mec à son époque, parce que franchement, si on l’écoute, y’avait rien à cette époque. Au moins maintenant, on a un centre commercial et des terrains de sport.




La benjamine des Franc, Romane, était encore trop petite pour participer à ce genre de discussions. Elle montrait déjà son indépendance d’esprit, et dès qu’elle le pouvait sortait dans le jardin, détruire le tas de feuille que Stanislas, le propriétaire de la maison, avait l’obligeance de ramasser.
«  Ah cette gosse, pensait-il. Si un jour je fais brûler mon tas de feuille, il faudra que je vérifie qu’elle ne soit pas dedans avant ! ».
La vie s’écoulait tranquillement à La Bussy, et même si parfois on entendait parler de bandes de jeunes voyous rebelles, c’était une vie vraiment très calme. 



Nous étions arrivés, mes parents, mon frère, ma sœur et moi quelques semaines auparavant à La Bussy. Mon père avait eu un nouveau contrat, et avait obtenu une place d’entraîneur sportif au centre d’études et d’entrainement de La Bussy à la fin de sa carrière. Exactement comme le père de mon amie Alice. Je n’avais eu aucun mal à me faire des amis, contrairement à mon frère Alexandre. Alice m’avait intégrée dans son groupe d’amis. Elle m’avait présenté Juliette Franc et Cécile Caumet, ses deux meilleures amies. Elles parlaient aussi à d’autres filles, comme Cathy Tessier ou Barbara Roncin. Ce qui faisait que pas l’une d’entre nous, quelle qu’elle soit, ne se retrouvait jamais seule. Alexandre, lui, était beaucoup plus réservé, et même dans son club de foot, il semblait ne pas savoir se lier. Seul Paul, le frère de Cécile, l’intéressait un peu. 






Chez les grands, c’était pareil. Nos mères prenaient régulièrement le temps de bavarder ensemble, et quand je dis bavarder, c’était plutôt pour raconter des ragots. Il faut dire que nous habitions tous le même quartier, et nous nous connaissions tous, même si les filles et moi ne fréquentions pas les adolescents. Seule Juliette avait essayé, mais sa sœur l’avait envoyé balader. Elle nous avait tous fait beaucoup rire en racontant les mésaventures d’Axelle.
-       -  Je ne sais pas trop ce qu’elle veut, disait-elle. Elle dit qu’elle veut un copain, il y a des garçons qui lui tournent autour, parce que, faut bien dire ce qui est, ma sœur est plutôt une jolie fille. Mais quand les garçons s’approchent trop près, elle les envoie voir ailleurs si elle y est.

Je voyais très bien de qui elle parlait quand elle racontait ça, mais je ne disais rien. Je ne disais rien, car à l’école, nous étions en CM2, il y avait un garçon qui me plaisait beaucoup, mais je ne pouvais pas le dire. 







Quant à Alice, c’était peut être la moins chanceuse d’entre nous. Son père était une ancienne gloire du base-ball, comme mon père était une ancienne gloire du foot, mais il était vraiment très bizarre. Ses parents ne se supportaient plus, ils n’arrêtaient pas de se disputer. Alice arrivait souvent à l’école en pleurant, malgré le soutien de son frère, Bastien. Bastien et elle partageait le même amour du base-ball, et Alice s’était mis en tête de suivre ses traces. Et elle était vraiment très douée. Je l’avais déjà vu jouer, et elle m’avait impressionnée. Malheureusement, son talent n’avait pas manqué d’être remarqué par son père, qui avait déjà fait quelques projets pour elle. Et les filles et moi allions découvrir plus tard que nous, ses amies, allions en être exclues.



mercredi 24 juin 2020

Monsieur De : Episode 1 - Comberview






Comberview est une petite bourgade campagnarde, nichée au cœur des collines du Combershire, un comté assez éloigné de la capitale. Il fallait faire environ quatre heures de route pour rejoindre Mansfield, la capitale, en voiture. Une grosse semaine en calèche, pour les récalcitrants qui préféraient utiliser les moyens anciens et ne pas céder aux sirènes de la modernité. Car Comberview était en permanence tiraillée entre le passé et l’avenir. Les paysans s’en remettaient aux cycles de la lune et du soleil pour leurs récoltes, ce qui leur valait parfois bien des déconvenues. L’espérance de vie était aléatoire, la bourgeoise et la noblesse avaient des représentants très âgés dans leur rang.  Au-delà du caractère pittoresque de Comberview, celle-ci recelait de coins plus champêtres les uns que les autres, et ceux qui habitaient là appréciaient particulièrement cette communion avec la nature.  







Thomas Bowcroft était le prêtre de la paroisse. Il était encore jeune, il avait tout juste atteint la quarantaine, mais il paraissait plus vieux. La vie n’avait pas été tendre avec lui. Il était originaire du woodland, une lande désolée, livrée aux bandits et aux pillards, dans laquelle les autorités n’arrivaient pas à éradiquer les hordes de pirates qui se livraient aux exactions les plus terribles. Plus jeune, il avait vu mourir, sous ses yeux, avec son jeune frère Angus, ses parents, tués par des bandits de grand chemin. Il avait eu à cet instant le besoin d’avoir une vie spirituelle intense. Il s’était mis à croire en Dieu. Et tout naturellement, il avait embrassé la carrière ecclésiastique à l’âge de 20 ans. Et dix ans plus tard, il était venu s’installer à comberview après la mort du Père James, pour prendre en charge la paroisse, tout en cachant soigneusement son accent des Woodlands.






Thomas Bowcroft était parti des woodlands en laissant son jeune frère, Angus, à la charge de son oncle et de sa tante. Le temps passant, il avait eu des nouvelles plus espacées, pour finir de ne plus en avoir du tout. Ne pas savoir ce qu’était devenu son frère était une des grandes douleurs de Thomas Bowcroft. Il espérait juste ne pas avoir à apprendre sa mort brutale, car Angus était un garçon assez explosif et téméraire, et prenait beaucoup de risques. A son arrivée à Comberview, personne ne savait d’où cet homme taciturne venait, et il parlait très peu de son passé. Alors, Thomas prenait sa canne de pelerin, et allait visiter toutes les fermes du comté, même les plus isolées, et avait, petit à petit, gagné la confiance des habitants.





Impliqué dans la vie de Comberview, Thomas Bowcroft s’était spécialisé dans la réinsertion des enfants du village.
- Bonjour mon père.
- Rufus ! Je suis heureux de te voir. Que deviens-tu ?
- J’ai eu mon diplôme mon père, vous savez. Je vais partir à Mansfield. Il y aura certainement du travail pour moi.
- Une amie m’écrit souvent de Mansfield. Le commerce a explosé. Ils cherchent de la main d’œuvre, je suis certain que tu trouveras bien vite.
- Merci beaucoup, je n’oublie pas ce que je vous dois.
- Je ne fais que l’œuvre de dieu mon fils. Il a un dessein pour chacun de nous.

Et Rufus était parti, et Thomas Bowcroft avait été très fier de son protégé. 






A Comberview, il y avait des grandes familles installées depuis des siècles. Si Thomas Bowcroft se préoccupait avant tout de ses ouailles les plus pauvres, il n’oubliait jamais de rendre également visite aux autres, car « Dieu aime tous ses enfants » aimait-il à rappeler. Il appréciait tout particulièrement une des plus vieilles familles du comté.
Charles de Restour était né ici, et n’avait quitté Comberview uniquement l’espace de quelques mois, le temps de faire son service militaire. Il était revenu de Mansfield dégouté, et avec une femme dans ses bagages. Louise Chalumet était une roturière, mais Charles était seul depuis bien longtemps, et surtout Louise avait le caractère souple et doux qui lui convenait parfaitement. L’armée avait fait de Charles un homme rebelle, et même si ses parents avaient encore été vivants, il aurait épousé Louise. Mais Edouard de Restour était mort lorsque Charles était encore un bébé, et Chantal, sa mère, l’avait suivi dans la tombe quelques semaines après son retour de Mansfield. N’ayant jamais connu son père, Charles en avait souffert, et pour compenser, il s’occupait énormément de sa fille Emilie.







Cette année-là, l’hiver avait été particulièrement rigoureux, et le comté avait du s’appuyer sur les ressources du comté de Mansfield pour survivre, car les recoltes avaient été deux fois moins importantes qu’à l’accoutumé. Charles de Restour en avait eu mal au cœur pour les paysans, et partait souvent faire le tour des fermes en compagnie de Thomas Bowcroft, avec lequel il avait lié une forte amitié. N’ayant souvent personne à qui parler de ses inquiétudes, Charles s’épanchait auprès de Thomas.
- Louise est alitée, elle est de constitution fragile, je ne sais pas si elle supportera une deuxième grossesse.
- Ayez confiance en dieu, Charles. S’il veut que cet enfant vive, il vivra.
- J’aimerais avoir votre foi. Je l’ai perdu en faisant mon service militaire. Et avec les incidents avec les gens du Nord et du woodland.
Thomas tressaillit. Cela faisait tellement longtemps qu’il n’avait plus entendu parler du woodland que le comté était devenu comme un comté imaginaire pour lui.

vendredi 19 juin 2020

RC - Episode 1 : Vincent






La Bussy avait bien changé depuis toutes ses années. Le Centre de Vincent avait été revendu, et il avait retrouvé un emploi d’employé dans la ville voisine de La Roche sur Bussy. L’échec avait été dur à digérer pour lui. Mais l’histoire s’était mieux terminée que vingt ans auparavant. D’abord parce qu’il avait retrouvé ses amis d’enfance. Il avait changé d’avis sur Nicolas et la rancœur qu’il pouvait éprouver vis-à-vis de lui s’était finalement muée en une forte reconnaissance. C’était lui qui avait sauvé le centre de la faillite et lui encore qui avait ramené Laure près de lui. Ils s’étaient mariés rapidement après leurs retrouvailles comme s’ils voulaient rattraper le temps perdu. Et à la mort des parents Roux, Laure avait hérité d’une coquette petite somme, qui leur avait permis la construction d’une jolie petite maison dans laquelle ils vivaient aujourd’hui.




Laure et Vincent avaient eu deux enfants. Au départ, Laure n’en voulait qu’un seul. Elle tenait beaucoup de son frère, et avait le même caractère effronté. Effronté et ambitieux. Sa carrière comptait beaucoup pour elle. Ils avaient eu Christophe un an après leur mariage. Celui-ci avait aujourd’hui seize ans, et était devenu un beau jeune homme. La première grossesse de Laure avait été suffisamment éprouvante pour que celle-ci en refuse l’idée même d’une deuxième. Mais parfois la vie réserve des surprises, et lorsqu’elle était tombée une deuxième fois enceinte, elle avait dû en prendre son parti. Et lorsque la petite Coralie était née, Laure avait été aussi heureuse que pour Christophe, c’est-à-dire modérément, car l’instinct maternel n’était pas son fort. 





Les premiers temps de leur installation dans leur nouvelle maison furent les plus durs. Ils avaient à faire face à toutes sortes d’obligations sociales, notamment vis-à-vis de leurs amis, et ils allaient souvent dîner ou prendre l’apéritif les uns chez les autres. Mais il n’y avait pas seulement ça. La Bussy s’était développée bien sûr, et de nombreux lotissements avaient vu le jour sous l’impulsion d’un maire qui accordait les permis de construire comme une grand-mère donnant des câlins à ses petits-enfants. Beaucoup de permis, et pour certains habitants, beaucoup trop. La ville avait donc vu l’arrivée d’une nouvelle faune avec un œil désabusé. Et certaines personnes, sans aucune gêne, n’hésitaient pas à aller s’incruster avec les habitants de plus longues dates. Même les jours d’orages. Mais parfois aussi, le ciel était clément, et les vengeaient, en choisissant de frapper de foudre les enquiquineurs. Le pauvre Gilbert Jacquet en avait été une des victimes. 





Si Christophe n’était pas un vilain garçon, loin de là, il n’avait malheureusement pas hérité du tempérament hardi de sa mère. Il était souvent timide et gauche, et préférait les occupations seul, y compris les occupations les plus enfantines. Les jours de pluie étaient d’ailleurs ses préférés. Il résistait rarement au plaisir de sauter les deux pieds joints dans les flaques d’eau, comme lorsqu’il était petit. Il était d’une grande consolation aussi pour sa mère, car il adorait s’occuper de sa petite sœur et lui apprendre les mêmes bêtises. Elle était encore trop jeune pour le suivre dans le jardin, mais il lui apprenait comptine et propreté, tout ce que ses parents n’aimaient pas tellement faire. Christophe aimait beaucoup sa sœur, il aurait tout fait pour elle. 








Christophe était un grand timide, comme Vincent. Et à part les enfants des amis de son père, il n’avait pas d’amis. Si Vincent s’était fait à la situation, Laure en était très contrariée.
-       -  Il faut que tu lui donnes confiance en lui, répétait-elle sans arrêt à son mari.
-       -  Oh, arrête Laure, tu sais bien qu’il s’en sortira, comme moi je m’en suis sorti.
Et Laure regardait Vincent d’un drôle d’air, un air qui disait « cause toujours, si tu es là aujourd’hui, relativement heureux, c’est grâce à mon frère et à personne d’autre ». Vincent haussait les épaules d’un air navré, il connaissait la vérité autant que sa femme, mais refusait de mettre une quelconque pression à son fils.
-       -  Et qu’est ce que tu voudrais que je fasse seulement ?
-       -  J’avoue, je n’en sais rien, répondait Laure tristement.





Laure et Vincent avaient fini par tomber d’accord, et avaient forcé Christophe à aller dans un club de sport. Les négociations avaient été rudes, car Christophe était avant tout un intellectuel, mais ils avaient réussi à arracher un compromis, compromis qui exigeait que Vincent prenne une part active dans le redressement moral de Christophe. Et Vincent s’était aussi mis au football avec son fils.

-   - Tiens toi prêt Christophe, je vais tirer en pleine lucarne.
-   - Alors là papa, tu rêves éveillé. Jamais elle ne rentre.
Laure les regardait jouer avec un petit sourire sur les lèvres. Grâce à ce club, le gamin timide et gauche que Christophe avait été devenait un grand garçon, qui ferait tomber toutes les adolescentes du quartier, dixit sa mère. A chaque fois qu’il l’entendait dire cette phrase, Christophe levait les yeux au ciel.

mercredi 10 juin 2020

RT : Episode 7 - Ma vie est (presque) un long fleuve tranquille





Tous les jours, je regarde le journal que m'apporte Aurélien. Il ne s'arrête plus pour discuter le petit, je me demande bien ce qu'il a. J'essaye, en scrutant chaque page du quotidien, de trouver le moindre indice qui pourrait nous aider à avancer dans notre quête, mais il n'y a rien. De quoi devenir chèvre. Ce qui m'intrigue vraiment, c'est d'imaginer comment font les journalistes pour écrire dix pages de faits divers. Entre Daisy City et Old Town, il ne devrait pas y avoir autant de matière. Et pourtant, il y a. A chaque fois que je suis allé en ville, tout semblait calme et tranquille, peut être trop même. Mes concitoyens se déchaîneraient-ils à chaque fois que je remets le pied chez moi ? Je fais part de mes doutes à Irène, mais elle se contente de lever les yeux au ciel, sans répondre. Je me demande si, à mon tour, je ne devrais pas me mettre en quête du comte Laurent Fernand. L'envie me tenaille, mais je me ravise. Quelques semaines plus tôt, j'avais l'attitude inverse. Je ne prendrais pas ce risque, pas maintenant du moins. S'il m'arrivait quoi que ce soit, je ne serais plus là pour prendre soin de mes enfants, Marguerite, et ce bébé que porte Irène. Je ne mourrais pas avant de l'avoir connu ! Sachez-le !





- Marguerite, ça suffit, arrête de pleurer !
OUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIINNNNNNNNNNNNNNNNNN
- J'arrive !
- Qu'est ce qu'elle a ?
- Tu as vu ce que tu en as fait Robert ? Elle ne peut même pas attendre de sortir de son lit ! Il faut qu'on soit au garde à vous pour elle ! Elle est pourrie gâtée !

Je dois admettre que ma fille prend un mauvais départ, et c'est en partie ma faute. Aussi, j'ai décidé de la remettre dans le droit chemin.


- Ne t'inquiète pas Irène, je vais la rééduquer !
- Comme si c'était une peste !
- Mais c'en est une !
- Tout est relatif !
- C'est toi qui prends sa défense maintenant ?
- Et alors ?
- Je me charge de son éducation.

Après des heures de palabres, nous sommes finalement tombés d'accord, Irène et moi. Je serais le professeur du langage et de la bonne conduite. Irène fera le reste. Lorsque j'ai commencé, je me suis rendu compte des mauvais travers de Marguerite, et surtout de l'ampleur de la tâche.






- Allez Marguerite, s'il te plait, dis Biberon.
- Bbron
- Bi-be-ron
- Bibon
- Non, marguerite, Biberon.

Il s'en faut de peu que je ne perde patience. J'ai l'impression que ma saleté de fille fait exprès de me tourner en bourrique. C'est une petite intelligente, et elle a parfaitement compris ce que je lui demandais de dire. Mais son mauvais caractère l'emporte, et elle fait tout pour me contrarier.


- Ma-man
- Man
- Non, Marguerite, Maman
- Ma ?

J'ai failli abandonner plus d'une fois. Mais à chaque fois que je me relevais, je voyais le regard désapprobateur d'Irène posé sur moi, et je me ravisais. Si je perdais la face devant ma fille, ça en était fini de moi et de mon autorité, et je le savais parfaitement.




Pour le bonheur de mes enfants, mes performances m'ont rapporté une étrange machine. C'est une machine à biberon vitaminé. D'après les pédiatres, cela donne aux enfants l'envie et la capacité d'apprendre plus rapidement. J'ai tout de suite essayé sur mon aînée. Et miracle, non seulement cela l'a assagie, mais en plus elle a tout assimilé. J'ai bien noté qu'il fallait que j'en garde un peu pour le futur poupon. Et comme je ne devais pas admettre que j'avais triché, j'ai dit à Irène que ce n'était que des biberons ordinaires. Un petit coup de pouce ne fait pas de mal ! Ma femme a été stupéfaite du changement qui s'était produit chez Marguerite. Elle m'a félicité. Bien sur, j'aurais voulu pouvoir faire crac crac pour fêter la rédemption de ma fille, mais elle s'est sentie fatiguée.





D'ailleurs en pleine nuit, Irène se sentit mal. Les contractions avaient commencé. Affolé, je me suis habillé rapidement, voulant emmener ma femme à la clinique. Et c'est là que je cherchais désespérément les clés de la voiture. J'ai cherché de partout, sous le lit, dans le canapé, sur l'étagère, dans l'entrée, impossible de remettre la main dessus. Et pendant ce temps là, Irène souffrait.

- Aie, oh Robert, je crois que je vais accoucher ici.

- Mais non, pas de panique, je vais bien les retrouver, ces clés.
- Mais je perds les eaux là …
- Tiens bon Irène, je les cherche.
- Aie … Oh mon dieu …
- Irène, je les aie trouvées, on peut y aller !

Et quand je suis rentrée dans le salon, j'ai vu la tête de mon bébé sortir d'Irène. Ni une, ni deux, j'ai pris mon courage à deux mains, et je l'ai aidée à accoucher. Finalement, une jolie petite fille est née. Je l'ai prénommée Agathe. Elle semblait si calme et si douce. Elle ressemblait à Marguerite comme deux gouttes d'eau. Si elles n'étaient pas nées avec deux années d'écart, j'aurais presque pu croire qu'elles étaient jumelles. Comme sa sœur, Agathe avait les yeux et la couleur de peau de sa mère, et comme sa sœur ma couleur de cheveux.




Quelques mois plus tard, et après des heures de rééducation, Marguerite fêtait son anniversaire. Sa petite enfance était terminée, c'était bientôt l'heure de l'école, et d'apprendre à lire, à écrire, à compter. Et surtout à être séparée de ses parents chéris. Elle paniquait un peu d'ailleurs, et cela a pris des heures et des heures à Irène pour la rassurer.


- Mais non ma chérie, tu ne seras pas malheureuse à l'école. Tu te feras des amis.
- Je ne veux pas !
- Tu n'as pas le choix. C'est obligatoire.
- Et toi ? Tu vas aller où ?
- Mais maman va retourner travailler ma chérie tu sais. Je ne peux plus m'occuper de toi.
- Mais Cécile, elle peut elle.
- Elle viendra quand tu rentreras de l'école.

Ça a été des discussions sans fin, mais finalement son premier jour d'école se passa bien. Elle était même ravie d'y aller. Chaque soir, elle nous racontait ses exploits. Nous étions très attentifs à sa réussite.


- Robert …
- Oui ?
- Nous devrions faire une demande pour l'école privée.
- Tu crois ?
- Oui, je pense que cela lui plairait.
- Très bien. J'inviterais donc le directeur pour l'année prochaine.





Au boulot quelqu'un avait débloqué ma situation. Je décrochais promotion sur promotion, ce qui nous avait permis d'agrandir la maison. Les filles ne seraient plus obligées de partager leur chambre, elles en auraient chacune une, surtout que la cohabitation était loin d'être évidente entre une jeune fille et une bambine. Marguerite se plaignait souvent des pleurs de sa sœur, j'étais donc ravi de pouvoir y remédier grâce à mon travail. Irène aussi profita de cette période plus que productive, puisqu'elle aussi obtint des promotions. Aujourd'hui, nous sommes tous deux au même niveau : responsables de recherches. Elle me fit une proposition qui me stupéfia.


- Tu sais ce dont j'ai envie Robert ?
- Non, de quoi ?
- D'un troisième bébé.
- Tu plaisantes ?
- J'ai l'air ?
- Non, mais pourquoi ?
- Parce que je pense que c'est le bon moment non ?
- Oui, peut être … Je vais y réfléchir.


EPISODE 6

samedi 6 juin 2020

PF - Episode 5 : Incendies




Josyane, au grand dam de son mari, n'allait pas souvent au travail. Après la naissance de Synthia, elle était de nouveau enceinte. Elle se demandait ce qui n'allait pas avec sa contraception.
- Peut être que je devrais retourner voir le docteur. Philibert, qu'en penses tu ? demandait-elle timidement ...
- Oh la ferme utérus sur patte. Garde ce bébé, il nous rapportera des allocations. Ma petite entreprise a besoin de main d'oeuvre je te rappelle !
- Ta petite entreprise ?
La pauvre Josyane était complètement larguée. Elle ne voyait pas du tout où son mari voulait en venir. Mais comme elle ne tenait pas à le contrarier, elle ne répondit rien, et passa juste sa main sur son ventre. Elle l'aimait déjà de toutes façons. 





Un des petits plaisirs de Philibert, car oui, il en avait, était de se vanter de sa fille. Et au mépris de sa femme, qui avait bien vu son petit manège, il en devisait souvent avec Anne T Septik, sa bonne. Bien sûr, Philibert aimait bien parler à Anne, parce qu'elle était jolie bien sûr, mais aussi, et surtout, parce que pendant qu'il discutait avec elle, le ménage n'était pas fait, et c'était toujours ça que Josyane devrait faire elle-même. 
- Tu comprends Anne, Madison, c'est la chair de ma chair, la prunelle de mes yeux ! Elle est très intelligente, vraiment très intelligente.
- Intelligente comme toi, Philibert ?
- Plus intelligente encore, Anne. Plus intelligente. 
Philibert adorait son aînée. Et puis il aimait bien Anne. 




La pauvre Josyane voyait son malotru de mari draguer la bonne sous son nez. Elle se sentait vraiment seule et désemparée. Elle s'était dirigée vers la salle de bain, où son mari discutait toujours, pour interrompre leur flirt.
- Philibert, que veux tu manger ce matin, des gauffres ou des pancakes ?
- Ce que tu veux la grosse, tu vois bien que je suis occupée, allez, dégage de là.
Devant l'air mauvais de son mari, Josyane avait cédé, non sans remarquer le petit sourire enjoleur d'Anne à l'égard de Philibert. Et c'est en pleurant qu'elle s'était mis aux fourneaux.
- Puisque c'est comme ça, je vais tout faire cramer, et ils n'auront rien à manger. 
La pauvre Josyane, qui ne pensait qu'à faire brûler le plat, ne croyait pas si bien dire. 





Elle avait bien imaginé faire brûler ses pancakes, mais ce qu'elle n'avait pas prévu, c'était que la cuisinière s'embraserait elle aussi. Heureusement qu'une alarme incendie avait été installée à leur emménagement ! Cet incident eut le mérite de faire sortir Anne et Philibert de leur tanière. 
- Ahhhh hurlait Anne ! Mais appelez les pompiers, appelez les pompiers bon sang ! Josyane, ressaisissez vous !
Mais la pauvre Josyane était tout aussi paniquée qu'Anne. Et elle ne pensait qu'à ses pancakes ! Elle était incapable de faire quoi que ce soit, et surtout pas d'appeler les pompiers !
Et Philibert, où était-il, que faisait-il ? 




Philibert était sorti de la salle de bain en même temps qu'Anne. Mais sans que personne ne s'en rende compte, il s'était caché derrière le canapé, et relevait la tête de temps en temps. Il espérait rester planqué là tout le temps de l'incendie, en attendant l'arrivée des pompiers. Mais à un moment, le feu progressait, et il progressait droit sur Philibert. Le sang lui montait à la tête, son coeur s'accelera et Philibert, qui n'avait jamais peur de faire le mal, ne supportait pas le feu. La tête lui tourna et il s'affala par terre. Josyane, qui l'avait vu tomber, s'était remise à hurler.
- Philibbeeeerrrrtttttttt !!! Oh mon dieu, il va mourir ! Il va mourrrriiirrrrrr !!! 
Anne s'approcha de Josyane, et lui fila une bonne claque. 
- Mais non andouille, il s'est juste évanoui ! 



Matt Schick, le pompier, était enfin arrivé. 
- Me voilà m'sieurs, dames, la situation est sous contrôle ne vous inquiétez pas. 
Josyane ne put s'empêcher de remarquer le physique plutôt très avenant de Matt. Elle se calma, se redressa, espérant se faire remarquer du jeune homme. 
Las. Il se fichait d'elle comme d'une guigne. Il jeta un coup d’œil derrière lui. 
- On en fait quoi de ce zozo là ?
- de qui ? 
- De ce grand poltron là derrière vous ? C'est qui au fait ?
- Philibert ? C'est mon mari.
- Philibert ? Comme Philibert Foulecan ? LE Philibert Foulecan ? Terreur des enfants ? Il s'est évanoui comme une mauviette ! Bon, je le laisse traîner par terre, il se relèvera bien tout seul ! Je dois aller récupérer un chat dans un arbre maintenant, au revoir mesdames ! 


EPISODE 4

vendredi 5 juin 2020

JT - Episode 4 : Jaloux !





J’étais sur un petit nuage. Arlène et moi nous nous voyions souvent. Cela me faisait oublier les turpitudes de mon métier. Mon collègue, par exemple, procédurier, et qui ne me prévenait jamais de ce qu’il faisait.
  • Franchement, tu aurais pu me dire que tu avais déjà déposé le dossier, ça m’aurait évité de passer pour un imbécile. 
  • Ohpardonjaioubliémaistusaisjelaifaitvitefaituniquementparcequelepatronmelavaitdemandéalors …
  • Articule et espace les mots, je ne comprends rien !
  • Teschianticicestcommecaquonparle.

Alors Arlène était vraiment comme mon petit rayon de soleil. Et elle aussi parlait normalement dieu soit loué.
  • Je suis vraiment content de te voir.
  • Moi aussi. Si nous allions au restaurant ? J’ai une petite faim.
  • Arlène, est-ce que tu veux bien sortir avec moi ?
  • Sortir avec toi ? Mais Jérémy, c’est ce que nous faisons déjà non ?
  • Oui, mais je voudrais être ton petit ami officiel.
  • C’est d’accord Jérémy. Tu me plais bien.







Mes déboires avec mon collègue ne m’ont pas empêché d’avoir une promotion, fort heureusement. Je suis devenu gratte papier. Et là, j’ai découvert littéralement ce que ça voulait dire. Je passais plus de temps à tenter de compléter des dossiers avec des formulaires B42 et C53, à aller d’étages en étages pour récupérer les pièces à convictions avant d’envoyer les accusés devant le juge. Au début, Myrtella Lenoir, la secrétaire, me détestait. Elle disait que je ne faisais que lui ramener des ennuis.   

  •  Jérémyvousêtespenible. Lejugemecherchedespouxdanslatêteàcausedevous.
  • Je ne tente de faire que mon métier vous savez Myrtella.
  • Cesttoujourscequondit.

Mais malgré tout, j’ai quand même réussi à me faire un ami qui était dans la même galère que moi, Alan Connell. On allait souvent à la machine à café juste pour discuter.

  • Pour avoir une promotion, c’est très simple, me disait-il souvent. Lèche les bottes de ton chef, c’est tout ce qu’il y a à faire.
  • Mais moi c’est ce que je déteste.
  • Ça c’est ton problème mon vieux !







En rentrant le soir, je me sentais tout de même très fatigué. Malgré tout, la promotion m’avait permis d’aménager ma maison de façon nettement plus confortable. J’allais au bord de la falaise pour contempler le ciel. Tout était calme. Et la lune, qui se levait, se reflétait dans l’eau. Je me sentais bien pour la première fois dans la ville. Et aussi, j’avais remarqué que la ville se remplissait. Des maisons apparaissaient comme par magie, des sims venaient s’y installer. Myrtella était là depuis longtemps, son accent en témoignait, tout comme Jenny la fantôme du 4ème étage. Mais Allan était nouveau lui aussi, il avait beaucoup voyagé, et s’était posé ici, en trouvant que c’était la plus belle ville du monde. 

- Et pourtant, j’en ai vu du pays. Mais je sais pas, ici c’est cool. Et c’est sans doute justement parce qu’il n’y a pas beaucoup de monde.
- Oh, moi, tu sais, j’ai laissé ma mère à Riverview, et je rêve d’y retourner
 Tu ne vas pas me croire, mais Riverview est le seul endroit où je n’ai jamais mis les pieds. C’est beau ?
  Oh oui. Très très beau. 

Et j’avais parlé avec le cœur noué. Ma mère me manquait terriblement.





Un jour que j’étais assis tranquillement dans mon jardin, à essayer d’imaginer ce que j’en ferais le jour où j’aurais un peu plus d’argent, j’ai été surpris dans mon intimité par la venue d’un militaire.

-        - Oh, mince, qu’est ce que j’ai fait, ne puis je m’empêcher de me demander !
-        - Mais enfin, Jérémy, qu’est ce qui t’arrive ? Tu ne me reconnais pas ?
-        - Qui êtes-vous et que voulez-vous ?
-        - C’est moi Arlène !
-        - Non, la Arlène que je connais ne ressemble pas à un homme !
La jeune femme ôta son képi, et avec un soulagement je pus effectivement constater que c’était Arlène.
-        - Que fais-tu dans cette tenue ?
-        - J’ai donné ma démission à Starvoice Magazine. Je me suis engagée dans l’armée.
-        - Quoi ? Mais pourquoi as-tu fait ça ? 






Je n’en revenais toujours pas.

-        - J’ai fait ça pour toi Jérémy.
-        - Pour moi ?
-        - Tu auras besoin d’un autre salaire pour ta maison, non ?
-        - Un autre salaire ?
-        - Décidément, tu es vraiment lent à la comprenette. Dois-je en déduire que je suis tombée amoureuse d’un idiot ?
-       -  Oh, ben oui, peut être bien.
-       -  D’accord, et bien comme je suis un futur général de brigade, est-ce que tu veux bien qu’on vive ensemble Jérémy Thesecond ?

L’espace d’un instant, et j’était incapable de dire pourquoi, je me suis vu ouvrant la porte et partant très loin. Arlène, général ??? L’idée me mettait très mal à l’aise.





Mais j’ai quand même accepté sa proposition. Et comme elle habitait une maisonnette lugubre sur les hauteurs de Starligth Shore, une maison déglinguée que son propriétaire refusait de rénover, je lui ai proposé de venir habiter chez moi. Ça m’a fait un changement radical. Arlène était énergique et dynamique. Et d’ailleurs, la promotion n’a pas tardé à venir. Ce qui n’a pas manqué de me laisser un petit peu jaloux.

-        - Serveuse au mess …
-        - Oui, Jérémy, mais tu sais, j’espère bien que je n’y resterais pas longtemps.
-        - Moi aussi, avec tous ces officiers qui vont te mettre une main aux fesses !
-       -  Jérémy ! Je sais me défendre bon sang ! Pour qui tu me prends !

J’ai laissé tomber. Elle avait raison. Ma jalousie ne regardait que moi.