En 15 ans, La bussy et La Roche sur Bussy avaient bien
changé. Les quartiers résidentiels s’étaient fondus dans la masse des nouveaux
immeubles implantés par les promoteurs. Un collège-lycée avait fait son
apparition en plus de l’école, et un centre multi sportif aussi. Volley-ball, football, handball, basket-ball,
base-ball, natation, boxe, équitation, escalade, tennis, badminton, il n’y
avait rien à dire. Celui qui voulait faire du sport à La Bussy avait l’embarras
du choix. Les horaires des élèves avaient été aménagés, et un vaste réseau de
bus permettait de parcourir la ville en quelques minutes. La Bussy était une
ville très demandée par les familles. Notamment les familles aisées, qui y
trouvaient une qualité de vie rarement égalée ailleurs.
Avec les Roy, les Jansac et les Roux, les Franc avaient été
une des premières familles à s’y installer. Vanessa y était née, y avait
grandi, et avait vécu dans un tout petit village autour de l’église. Et
maintenant, ses trois filles y étaient également nées, mais elles avaient connu
une ville, qui devenait de plus en plus grande. La transformation de La Bussy
rendait triste Vanessa, mais à chaque fois qu’elle lançait le sujet, une vive
discussion démarrait. Juliette, la cadette, était la plus têtue.
- - Maman adorait La Bussy d’autrefois. Mais
maintenant, c’est bien mieux, disait-elle à Axelle, son aînée.
Laquelle répondait aussi sec.
- - Je me demande bien comment elle a fait pour
trouver un mec à son époque, parce que franchement, si on l’écoute, y’avait
rien à cette époque. Au moins maintenant, on a un centre commercial et des
terrains de sport.
La benjamine des Franc, Romane, était encore trop petite
pour participer à ce genre de discussions. Elle montrait déjà son indépendance
d’esprit, et dès qu’elle le pouvait sortait dans le jardin, détruire le tas de
feuille que Stanislas, le propriétaire de la maison, avait l’obligeance de
ramasser.
« Ah cette gosse, pensait-il. Si un jour je fais
brûler mon tas de feuille, il faudra que je vérifie qu’elle ne soit pas dedans
avant ! ».
La vie s’écoulait tranquillement à La Bussy, et même si
parfois on entendait parler de bandes de jeunes voyous rebelles, c’était une
vie vraiment très calme.
Nous étions arrivés, mes parents, mon frère, ma sœur et moi
quelques semaines auparavant à La Bussy. Mon père avait eu un nouveau contrat,
et avait obtenu une place d’entraîneur sportif au centre d’études et
d’entrainement de La Bussy à la fin de sa carrière. Exactement comme le père de
mon amie Alice. Je n’avais eu aucun mal à me faire des amis, contrairement à
mon frère Alexandre. Alice m’avait intégrée dans son groupe d’amis. Elle
m’avait présenté Juliette Franc et Cécile Caumet, ses deux meilleures amies.
Elles parlaient aussi à d’autres filles, comme Cathy Tessier ou Barbara Roncin.
Ce qui faisait que pas l’une d’entre nous, quelle qu’elle soit, ne se
retrouvait jamais seule. Alexandre, lui, était beaucoup plus réservé, et même
dans son club de foot, il semblait ne pas savoir se lier. Seul Paul, le frère
de Cécile, l’intéressait un peu.
Chez les grands, c’était pareil. Nos mères prenaient
régulièrement le temps de bavarder ensemble, et quand je dis bavarder, c’était
plutôt pour raconter des ragots. Il faut dire que nous habitions tous le même
quartier, et nous nous connaissions tous, même si les filles et moi ne
fréquentions pas les adolescents. Seule Juliette avait essayé, mais sa sœur
l’avait envoyé balader. Elle nous avait tous fait beaucoup rire en racontant
les mésaventures d’Axelle.
- - Je ne sais pas trop ce qu’elle veut,
disait-elle. Elle dit qu’elle veut un copain, il y a des garçons qui lui
tournent autour, parce que, faut bien dire ce qui est, ma sœur est plutôt une
jolie fille. Mais quand les garçons s’approchent trop près, elle les envoie
voir ailleurs si elle y est.
Je voyais très bien de qui elle parlait quand elle racontait
ça, mais je ne disais rien. Je ne disais rien, car à l’école, nous étions en
CM2, il y avait un garçon qui me plaisait beaucoup, mais je ne pouvais pas le
dire.
Quant à Alice, c’était peut être la moins chanceuse d’entre
nous. Son père était une ancienne gloire du base-ball, comme mon père était une
ancienne gloire du foot, mais il était vraiment très bizarre. Ses parents ne se
supportaient plus, ils n’arrêtaient pas de se disputer. Alice arrivait souvent
à l’école en pleurant, malgré le soutien de son frère, Bastien. Bastien et elle
partageait le même amour du base-ball, et Alice s’était mis en tête de suivre
ses traces. Et elle était vraiment très douée. Je l’avais déjà vu jouer, et
elle m’avait impressionnée. Malheureusement, son talent n’avait pas manqué
d’être remarqué par son père, qui avait déjà fait quelques projets pour elle.
Et les filles et moi allions découvrir plus tard que nous, ses amies, allions
en être exclues.